Au Nord du Cameroun, les producteurs d’oignon face aux chutes de rendement
Ces agriculteurs sont affectés par la cherté des intrants et semences, les attaques des plantes par des maladies et insectes nuisibles.
Mohamadou Bassirou est rentré épuisé ce 10 janvier 2024. Il a passé la journée à entretenir son demi hectare (ha) de champ qu’il a emblavé cette année. Depuis 2018, le jeune homme âgé de 26 ans est producteur d’oignon dans la localité de Pitoa, département de la Bénoué, région du Nord du Cameroun. « C’est le temps de la poussée, on a déjà traversé la préparation du sol », explique-t-il.
Pour lui comme pour tout autre producteur d’oignon, l’entretien du champ est primordial. Il consiste à l’arrosage des casiers (petits carrés séparés par des sillons laissant circuler l’eau lors de l’arrosage) à l’aide d’une motopompe, après la préparation du terrain en décembre. Si certains travaillent avec leur propre engin, d’autres recourent à la location à raison de 2000 F Cfa par jour auprès des propriétaires, en plus de la charge du carburant. Après cette étape, les paysans passent au repiquage. Pour le faire, il faut de la main d’œuvre qui peut être familiale ou payante. Pour ce dernier cas, elle vaut 40 000 F Cfa pour un quart d’hectare (300 casiers).
Cherté des intrants
Titulaire d’un diplôme de technicien supérieur d’agriculture obtenu en 2018 à l’École technique d’agriculture de Garoua, Mohamadou Bassirou met son génie au profit de son activité. Il choisit et nettoie sa parcelle, sème et fait le suivi de sa pépinière, lui-même, pendant 30 à 45 jours. Lors du repiquage, il reçoit l’aide des membres de sa famille.
Mais, malgré ses efforts et son expérience, le jeune homme rencontre les mêmes difficultés que ses nombreux collègues : hausse du prix des intrants agricoles et des semences, attaques des plantes en phase de croissance par des maladies et autres insectes nuisibles, etc. Les conséquences se font ressentir sur le rendement au moment des récoltes en mars.
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Face à ces difficultés, les producteurs d’oignon de Pitoa se sont regroupés autour de Riskou Djarné, une coopérative créée en 2015 avec conseil d’administration. Plusieurs raisons expliquent cette association: mutualiser les forces, bénéficier de l’octroi des matériels de transport et stockage; et de l’accompagnement des partenaires à travers des formations, obtenir des prix préférentiels lors des achats en masse des semences auprès des producteurs de champs semenciers et autres distributeurs locaux.
Prix des semences en hausse
Le sachet de demi-kilo de semences coûtait 24 000 F Cfa, d’après Bassirou. A sa grande surprise, il est monté à 30 000 F Cfa pour la saison agricole 2023-2024. « On craint encore une chute de la production dans notre coopérative », a confié un membre de Riskou Djarné approché en décembre 2023. En 2021, la coopérative a produit 580 tonnes d’oignon contre 237 tonnes en 2022. D’après les chiffres de la délégation régionale de l’agriculture du Nord Cameroun, la production globale de la région s’élevait à 156 812 tonnes en 2021 pour un rendement de 15,7 tonnes par hectare.
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Contrairement aux autres, Mohamadou Bassirou, lui, s’est frotté les mains. Alors que la production minimum est de 40 sacs de 120 kilogrammes pour un quart d’hectare, le technicien d’agriculture a récolté 120 sacs d’oignons pour son champ d’un demi hectare en 2023, soit un revenu moyen d’environ six millions de Francs Cfa. Les charges de la productions d’un hectare d’oignon se chiffrant à près de 1,4 million de F Cfa. Grâce au surplus obtenu, Bassirou a construit une maison pour le bonheur de sa famille.
Jérôme Baïmélé