A l’Ouest du Cameroun, des jeunes engagés dans la production des fraises
Aux profils professionnels différents, ils ont constitué une équipe et se sont lancés dans la culture de ce fruit rouge.
Dans la cour d’une maison à Bandenkop, dans l’arrondissement de Bangou, département des Hauts-Plateaux à l’Ouest Cameroun, Cabrel Tchouanboug, 22 ans, s’occupe de ses plants de fraises. Depuis juin 2023, ce mécatronicien automobile est engagé dans la production hors sol de ce fruit rouge. Sans aucun diplôme en agriculture, Cabral s’est formé à travers des tutoriels sur Youtube. « Je m’intéresse à l’agriculture depuis l’école primaire. Je me forme seul en ligne. En plus, j’ai vu les gens faire des fraises, et je me suis dit pourquoi ne pas essayer. Et j’en suis fier », se réjouit-t-il.
Après la première campagne dite « expérimentale », le jeune homme est lancé dans la deuxième phase de production dans son village. Les fraisiers grandissent dans des pots. Les fruits seront prêts à la consommation après trois mois et demi, confie Cabrel Tchouanboug. « Après cette période, les plants sont entretenus pour la production des stolons », ces longues tiges fines aériennes sans vraies feuilles, organes de multiplication végétative, précise-t-il. L’agriculteur ajoute qu’ « avec l’avantage que les fraisiers se multiplient grâce aux stolons ». Car, à leur extrémité nait un nouveau pied, ce qui rend la multiplication des plants particulièrement naturelle, simple et peu coûteuse.
Un marché local à satisfaire
Des 25 fraisiers entretenus dans son jardin, Cabrel attend au minimum 50 stolons par plant. Ils seront transplantés sur un espace de mille mètres carrés en préparation pour la 3ème campagne des fraises. Cabrel Tchouanboug dit être déterminé à faire de son bourg, une base de production de ces fruits rouges. Il a l’avantage d’avoir accès gratuitement et sans conditions aux espaces cultivables. « Les terres que nous cultivons appartiennent à nos parents. D’autres sont celles des personnes installées en ville. Elles sont fières de savoir que leurs terres sont exploitées. Cette exploitation nous permet de les entretenir et de les sécuriser », souligne-t-il.
A Bandenkop, Cabrel a créé son marché. « Nous faisons des publications sur les réseaux sociaux. Des clients commandent. Plusieurs personnes trouvent la culture de ce fruit mystique. Du coup, ils sont intéressés », explique le jeune mécatronicien automobile qui se réjouit d’avoir réussi à introduire la fraise dans les habitudes alimentaires dans cette localité. Dans la région de l’Ouest, un kilogramme de ce fruit vaut 6 000F Cfa. Dans les supermarchés, cette même quantité est vendue entre 10.000 et 15 000F Cfa. Si l’intérêt de la clientèle est grandissant, Cabrel Tchouanboug confie cependant qu’il est difficile pour lui d’évaluer de manière exacte le gain en cette période expérimentale.
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« Pour cette phase, nous avons partagé avec ceux qui nous rendaient visite. Je puis vous assurer que cette culture peut produire de la richesse. C’est pour cette raison que nous avons décidé de lancer la prochaine campagne sur un grand espace », justifie-t-il. L’entrepreneur agricole mise pour cela sur la production hors sol qui « ne nécessite pas assez de travail ». Car, « Pour que le fruit ne soit pas en contact avec le terre, nous y ajoutons les déchets de planches. Pour cette surface de 1 000M2, deux personnes peuvent s’en occuper. Il n’y a pas d’herbes. Car, en pots, l’entretien des plants nécessite moins de mains d’œuvre », détaille-t-il.
Une équipe de jeunes
Jean Marie Cheuteu, délégué départemental de l’Agriculture et du développement rural de la Menoua (Ddadr) confie à Agripreneurs d’Afrique que « le fraisier produit en toute saison. C’est pour cette raison que nous encourageons les jeunes à investir dans la culture des fraises. Il y a une forte demande à satisfaire ». Cependant, l’une des difficultés auxquelles ces producteurs font face est celle liée au transport. Les agronomes précisent que les secousses et la chaleur dans les soutes à bagages et les malles de véhicules détériorent les fraises lors des livraisons dans les grandes villes telles que Douala et Yaoundé. « Les fraises sont de plus en plus cultivées dans la région de l’Ouest. Cependant, les cultivateurs sont confrontés à certaines difficultés liées notamment au transport. Il est conseillé de créer des conditions de transport appropriées pour éviter ces pertes, aux conséquences importantes sur les revenus », confie Jean Marie Cheuteu.
Pour mutualiser les efforts, Cabrel Tchouanboug s’est associé avec deux autres jeunes, aux parcours académiques différents pour poursuivre sa passion agricole. Michelle Djembissi, ingénieure en production animale fait partie du groupe. Face au chômage, elle s’est lancée dans l’entrepreneuriat dans le but de produire des richesses. « Nous avons compris qu’il est important de se mettre ensemble pour espérer quelque chose de grand. Seul, on ne peut évoluer. Nous sommes aujourd’hui un groupe de trois personnes. Nos efforts mis ensemble, nous permettent de vite grandir », déclare-t-elle.
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Après son Brevet d’études du premier cycle (BEPC), Junior Tadjuidje, lui, a suivi une formation pratique en pisciculture et a mis sur pied une petite ferme piscicole qui lui remportait près de 50 000 F.Cfa par mois. Aujourd’hui, le trio envisage de développer cette autre activité avec les revenus issus des fraises, afin d’atteindre un chiffre d’affaires de 500 000F Cfa par mois.
Culture émergente
Dans leur petite unité de production en gestation, ils ont diversifié leurs activités dans la pisciculture et la cuniculture. Au-delà de la production des fraises, ils élèvent donc des silures, des carpes, du tilapia et des lapins. « Les eaux que nous retirons des étangs sont utilisées pour fertiliser les fraisiers », précise Cabrel Tchouanboug.
Bien qu’encore embryonnaire dans la région de l’Ouest, la fraisiculture, jadis pratiquée principalement en Europe selon les affirmations de Jean Marie Cheuteu, le délégué départemental, intéresse de plus en plus de jeunes au Cameroun, notamment dans les régions de l’Adamaoua et de l’Ouest. Elle se veut une culture émergente aux potentialités économiques importantes pouvant permettre aux jeunes de s’insérer socialement, conclut-il.
Armel Djiogue