« J’ai construit ma maison grâce à l’élevage des porcs »
En 2014, Appolonie Marlyse Ngah a fermé le bar qu’elle gérait à Yaoundé pour construire une porcherie où elle élève en moyenne 80 cochons. Face au succès, cette dynamique trentenaire envisage d’investir dans l’exploitation agricole. Entretien.
Ce n’est pas très courant de voir des femmes se lancer dans l’élevage des porcs. Comment vous retrouvez-vous dans cette activité ?
Je me suis retrouvée dans ce domaine en 2014 grâce aux conseils d’un ami. Avant, je tenais un bar et un restaurant pour subvenir à mes besoins et ceux de ma famille. Mais ça ne marchait pas très fort. Cet ami a souligné que je pourrais avoir des bénéfices plus intéressants si je me lançais dans l’élevage. J’avais la possibilité de produire mais aussi de transformer et de revendre tous ces produits sur le marché. L’idée m’a emballée d’autant plus que ce projet ne demandait pas un gros investissement financier.
Quelles difficultés avez-vous rencontré?
Cela fait pratiquement quatre ans et j’avoue n’avoir pas eu des de gros problèmes. J’ai commencé avec trois porcs : deux femelles et un mâle. J’ai souvent entre 80-90 porcs repartis entre 4 et 5 porcs par box. Actuellement vous remarquez que certains box de la porcherie sont vides. C’est parce que j’ai d’autres engagements à ce moment et je ne pouvais plus gérer un si grand nombre de porcs. Je me plais beaucoup dans cette activité. Jusqu'à présent je n’ai pas connu de perte dans mon troupeau ni sur le plan financier. Vous savez, j’ai aussi fait l’élevage des poulets et je peux donc comparer les deux. Avec le poulet, la grippe aviaire a décimé mon poulailler et a failli me ruiner.
Pouvez-vous nous présenter votre troupeau ?
J’ai un troupeau de 26 porcs de la race Duroc. C’est un cochon de grande taille à la robe rouge-brique qui produit de la viande de bonne qualité. Le prix d’un porc se fixe premièrement à partir de la race ( ) et ensuite du gabarit. Actuellement, je n’achète pas de porcelets parce que j’ai des mères dominantes qui mettent bas.J’ai appris à engraisser les porcs. En 6 mois, j’ai un porc de 100 000, à 13 mois, il va à 350 000 FCFA. Pour grossir, le porc a besoin d’une alimentation riche en fibres, protéines, graisse. Cependant lorsqu’on se lance dans l’élevage d’un tel animal, l’un des préalables c’est d’avoir assez d’espace. Ma maman est de Yaoundé j’ai donc cette opportunité d’avoir un vaste espace. Le plus difficile avec un troupeau de cinquantaine de têtes c’est de nourrir ses bêtes.
Qui sont vos clients ?
Ma clientèle est hétéroclite. Des particuliers passent des commandes pour des cérémonies de dots, de mariages, des réunions, etc, et des commençants et restaurateurs qui veulent de la viande de bonne qualité à un prix accessible. Je me déplace rarement pour les ventes. Mes clients viennent chez moi parfois à 5h chercher leurs cochons
L’élevage porcin demande de solides connaissances pour le maintenir le troupeau en bonne santé. Comment faites-vous ?
Oui tout à fait. J’ai pour cela effectué une courte formation. Elle était essentiellement pratique. Des vétérinaires de Mvog-Betsi sont venus ici sur le terrain et m’ont enseigné comment prendre soins de mes bêtes, à faire des injections. Je me bats beaucoup pour éloigner les mouches. Vous pouvez constater autour de vous, il n’y aucune mouches, pas d’odeur parce que ce qu’elles sont porteuses de maladies. J’utilise les désinfectants pour tout nettoyer.
Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes femmes qui veulent se lancer dans cette activité ?
Je dirais aux jeunes qu’il faut s’investir sans regarder derrière. L’élevage paye. L’agriculture aussi. J’ai construit ma maison grâce à l’élevage des porcs et reçu un prix.La femme d’aujourd’hui c’est celle qui doit subvenir aux besoins de sa famille même si elle est mariée. C’est toujours bien d’avoir un plus pour améliorer ses conditions de vie. Entreprendre nous aide à gagner confiance en nous. On devient plus audacieuse et c’est bien.
Vous êtes une femme très dynamique. Vous êtes une trentenaire à la tête d’une porcherie et d’une exploitation agricole que vous gérez vous-même. Les femmes fortes font parfois reculer les prétendants ?
C’est vrai que les hommes ont peur et que parfois il y a de l’arrogance. Mais une femme doit rester femme peut importe les millions qu’elle a en poche et même si son époux gagne 10 000 f cfa. Une femme dynamique, c’est celle qui encourage, motive son compagnon pour le mettre en haut comme on dit trivialement. En d’autres termes, c’est une femme qui peut jouer le rôle de mentor et aider son ami à prendre des initiatives. Lorsque vous avez l’esprit d’esprit d’entrepreneuriat, vous pouvez décider d’ouvrir un comptoir pour lui, de lui donner un fonds de commerce. Je peux être malade aujourd’hui qui va m’aider si ce n’est pas cet homme-là !
Propos recueillis par Elsa Kane Njiale à Yaoundé