A l’Extrême-nord du Cameroun, un ingénieur agronome spécialiste des pastèques
A 28 ans, Abdelkarim Ahmadou produit environ 2000 fruits tous les trois mois.
Le mois de novembre est synonyme de récolte de pastèques pour Abdelkarim Ahmadou. A Kalfou, commune située dans la région de l’Extrême-nord du Cameroun, cet ingénieur agronome cultive un hectare de ces fruits gorgés d’eau, très prisés par la population. Pour cette saison agricole qui a duré trois mois, le jeune homme âgé de 28 ans a récolté environ 2 000 fruits vendus à 400 Francs Cfa l’unité, pour un revenu global de 800 000 F Cfa. Un chiffre bas, comparé aux saisons précédentes où il vendait environ 3 000 fruits par récolte.
Malgré cette sous performance, la clientèle d’Abdelkarim, constituée de camerounais ainsi que d’habitants et commerçants des pays voisins tels que le Tchad, le Nigéria et la République centrafricaine a tout raflé, comme toujours. Le jeune ingénieur s’apprête d’ailleurs à « livrer deux camions » de pastèques dans la partie sud du pays. Une réussite à l’image de sa grande passion pour l’agriculture. Tout commence à l’enfance à Kalfou où le jeune Abdelkarim Ahmadou aide ses parents qui pratiquent la culture maraîchère. Il prend goût aux travaux champêtres.
Diversification
«J’étais fier d’exécuter les tâches de labour. Je suis allé me former pour être un technicien », se souvient-il. Après son baccalauréat en mathématiques et sciences de la vie et de la terre, il obtient tour à tour son brevet de technicien supérieur et son diplôme d’ingénieur des travaux agricoles en production végétale à la Faculté d’agronomie et des sciences agricoles (Fasa) de l’université de Dschang, dans la région de l’Ouest Cameroun.
Lire aussi : Au nord du Cameroun, le spectre de l’insécurité alimentaire plane
A sa sortie d’université en 2018 et sans moyens financiers, Abdelkarim propose gratuitement ses services afin de convaincre, «faire valoir [ses] connaissances ». L’ingénieur agronome supervise par la suite des champs d’anacardiers et fait la prospection des produits phytosanitaires pour le compte d’une entreprise dans l'Extrême-Nord du Cameroun. Il gagne entre 2 000 et 5000 Francs cfa par service qu’il économise « petit à petit ». Au bout d'une année, ses épargnes atteignent 300 000 francs Cfa. Il investit la totalité dans un champ d’un hectare de pastèques.
Au fil des années, le technicien agricole se diversifie. A Kalfou, Abdelkarim cultive l’anacarde, le mil rouge et le sorgho. A Garoua-Boulaï, dans la région de l’Est, il expérimente des variétés de citron et produit le gingembre, la papaye, la kola, le poivron et le piment. Bien plus, l’ingénieur agronome joint à travers la messagerie WhatsApp, vend ses services aux entreprises agricoles à travers le Cameroun. Il réalise des pépinières, suit leur entretien, réalise les repiquages et le suivi après repousse des plantes. Des activités qui lui permettent de gagner de l’argent qu’il réinvestit dans ses champs et dans l’emploi de la main d’œuvre « de circonstance ».
Difficultés
Dans le futur, le jeune Abdelkarim Ahmadou ambitionne de former la population de sa localité à l’agriculture. Son but ? Amener ces habitants, « très pauvres », « à produire afin de gagner de l’argent». D’après la Banque mondiale, l’Extrême-nord est la deuxième région la plus peuplée et « l’une des plus pauvres » du Cameroun. « Ils achètent à manger alors qu’ils ont la terre à leur portée », regrette l’agronome.
Lire aussi : La production de la canne à sucre piétine à l’Est du Cameroun
Pour y arriver, l’entrepreneur doit d’abord vaincre ses propres difficultés. D’abord, le manque de financement. Surmonter ensuite les obstacles liés à l’acquisition ou la location des parcelles de terre. Et enfin, trouver des solutions à la mise en place d’un système d’irrigation pour pallier aux difficultés d’approvisionnement en eau.
Jérôme Baïmélé