A l’Est du Cameroun, le mauvais état des routes ruine les producteurs de banane-plantain
Du fait de l’enclavement des zones de production, de l’absence des moyens de transport et de la nature périssable de ces aliments, les agriculteurs perdent la majeure partie de leur récolte chaque année.
Hyacinthe Ngombé Djouandé est complètement abattu. Chaque saison, ce producteur de banane-plantain au village Bigotsa, dans le département du Haut-Nyong à l’Est du Cameroun, voit ses régimes pourrir. « On m’a informé qu’ici, au marché mensuel, les prix sont abordables par rapport au village. Je suis venu avec 52 régimes de plantains mais il en reste encore 20 non vendus », se désole l’homme. D’après cet agriculteur âgé d’une trentaine d’années, le « mauvais état des pistes rurales, surtout en saison de pluies », est un véritable frein pour les cultivateurs de son village. « On a passé trois jours en route entre le village et la route centrale», poussant la voiture lorsqu’elle s’embourbait », précise-t-il.
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Hyacinthe n’est pas le seul. D’après des producteurs rencontrés par Agripreneurs d’Afrique, ce mauvais état des routes empêche des conducteurs de mototaxi, taxis, bus et autres véhicules d’arriver dans leurs bourgs reculés. Une situation qui cause de nombreuses pertes financières. « A cause du mauvais état de la route, la plupart de banane-plantain produit par les quelque 70 cultivateurs de mon village pourrissent dans les champs. C’est ainsi que les producteurs sont obligés de brader leur production à vil prix aux revendeurs communément appelés ‘’bayam sellam’’ en provenance des grandes villes », affirme Hyacinthe Ngombé Djouandé.
140 000 Francs Cfa de transport pour 64 km
Jonas Ponga, habitant du village Bayong 1 et les 25 cultivateurs actifs de sa localité vivent la même situation. D’après ce producteur de banane-plantain rencontré le 25 novembre 2023 à Bertoua, capitale régionale de l’Est, où il était venu écouler une partie de sa récolte, au-delà du capital financier nécessaire au développement de leur activité, l’enclavement les pousse parfois à faire de difficiles choix. « Sur les 170 régimes en maturité, j’ai seulement amené 70. Les 100 autres sont restés au village. Ce qui me fait un manque à gagner de plus de 100 000 Francs Cfa», regrette celui qui a mis en valeur quatre hectares de banane-plantain. Pour ce voyage, Jonas et certains collègues ont loué une petite camionnette pour 140 000 Francs Cfa la journée. « On ne pouvait pas payer la somme de 200 000 FCFA demandée pour le grand camion pour une distance de 64 kilomètres entre Bayong et Bertoua », déplore l’agriculteur en activité depuis 20 ans.
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Ce problème d’accès au marché dure depuis plusieurs années. Une enquête commandée en 2005 par la Catholic Organisation for Relief and Developement (CORDIAD), une Organisation non gouvernementale basée en Hollande, sur les filières banane-plantain, maïs, manioc, cacao au Cameroun, choisies sur la base de leur impact économique et social, avait révélé une situation désastreuse liée à l’inaccessibilité au marché par les petits producteurs. Les causes principales étaient alors l’enclavement, l’analphabétisme et le manque d’encadrement.
Accès au marché
A la suite de l’enquête, les organisations locales telles la Coordination diocésaine pour le développement des activités socio caritatives de l’Archidiocèse de Bertoua (CODASC) ont élaboré un plan stratégique d’accès aux marchés en insistant, entre autres, sur l’organisation des acteurs des différentes filières et la création d’un cadre institutionnel et opérationnel pour soutenir et pérenniser toutes les actions qui peuvent aboutir à l’accès au marché par les petits producteurs. Plus d’une décennie plus tard, les problèmes restent les mêmes.
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En 2011 déjà, le gouvernement camerounais avait déjà créé la Mission de régulation des approvisionnements des produits de grande consommation (MIRAP) avec pour objectifs de constituer des stocks de sécurité ou encore animer des marchés périodiques où des producteurs pouvaient écouler leurs récoltes. Mais, le coût de transport demeure toujours un problème.
Sébastian Chi Elvido