La production du charbon de bois, une menace pour l'environnement à l’Est du Cameroun
La forte demande de cette source d’énergie est à l’origine du prélèvement anarchique du bois dans les forêts de la région et de la dégradation des espaces agropastoraux.
Martial est un homme comblé. Depuis plus de 20 ans, ce quadra produit du charbon dans l’arrondissement d’Abong-Mbang dans la région de l’Est Cameroun. « C’est grâce à cette activité que je me suis marié et envoie mes enfants à l’école », indique-t-il. Comme Martial, les charbonniers ont construit des fours traditionnels et se servent des déchets issus d’une société de transformation du bois installée depuis quelques années dans la zone, comme matière première. Le produit final est par la suite écoulé à Yaoundé, Douala, Bertoua mais surtout dans la partie septentrionale du pays.
Selon le Réseau des charbonniers des concessions forestières de l’Est (Rechacofest), il existe environ 500 charbonniers permanents réunis autour de 12 entités (Group d’initiative commune (Gic), Association et Coopératives). Dans ces localités, les producteurs se servent des déchets de bois collectés dans les sociétés d’exploitation forestière. Si la commercialisation du charbon a été légalisé par le gouvernement, cette activité, source d’emplois et de revenus pour de milliers de personnes est aussi une menace pour l’environnement.
Trafic transfrontalier
D’après une étude menée sur les chaînes de valeur du bois-énergie dans la région frontalière de l’Est, menée par François Hiol Hiol et Héleine Bevah du Bureau d’études, l’ingénierie du développement durable (I2D) en 2019, il existe un flux transfrontalier de bois-énergie (charbon) de la République Centrafricaine (RCA) vers le Cameroun sous différentes variantes. Il s’agit par exemple du transport à travers des camions, des portes-tout, par la tête d’hommes et par bicyclette entre autres. En plus, il existe une multitude de points d’entrée à travers la frontière au niveau des villes de Garoua-Boulaï et de Kentzou, et tout le long de la délimitation entre les deux pays, échappant au contrôle transfrontalier.
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Ce trafic incontrôlé est le résultat de la forte demande du bois-énergie dans la zone, notamment dans les camps des réfugiés de Gado-Badzéré, Lolo, Mbilé et Timangolo. « La problématique du bois-énergie est effective dans la zone d’étude. Ceci provient des difficultés d’approvisionnement dues à la diminution de la ressource, à cause de l’éloignement, des conflits (foncier, accès à la ressource) », constate l’étude.
Covid-19
Plus grave, la pandémie de la Covid-19 a réduit la production du charbon à plus de 50% à cause de la crise sanitaire qui a provoqué un arrêt d’activités dans les sociétés forestières. «Depuis la fermeture de la société forestière et industrielle de Doumé (SFID) de Mbang pendant la crise sanitaire, nous sommes confrontés à plusieurs difficultés notamment le manque de source d’approvisionnement des déchets de bois», regrette Céline Apouma, productrice à Mbang dans le département de la Kadey.
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C’est dans cette optique que le Réseau des charbonniers sous la conduite de Minko Martin, son président depuis le début de la Covid-19 se bat pour limiter la destruction de l’environnement à travers la coupe illégale du bois. En effet, explique Minko Martin Luther, certains charbonniers qui exerçaient, avant, dans le braconnage notamment ceux des zones de Yokadouma, Libongo et Kika, risquent de retourner à leur ancienne activité pour survivre. Pourtant, la chasse de certaines espèces animales et la coupe illégale des forêts sont interdites par la Loi de 1994 portant sur le régime des forêts, de la faune et de la pêche.
Sébastian Chi Elvido