Cameroun : de la marine marchande au champ de poivre
À quelques mois de devenir marin marchand, Jean Yourmain Tugarrou abandonne sa formation, faute de moyens, pour se lancer dans la culture du poivre blanc de Penja.
Le sourire aux lèvres, Jean Yourmain Tugarrou passe les mains sur chaque pied de poivre. Au fur et à mesure et en sifflotant, il circule entre les rangées de son champ tout en éliminant les déchets qui gravitent autour. « A mes débuts, je me demandais si j’allais tenir car le poivre blanc exige une patience d’au moins cinq ans afin d’espérer bénéficier du fruit de la récolte », se souvient-il.
C'est à penja, petite ville située dans la région du Littoral au Cameroun, que M. Tugarrou a choisi de cultiver le poivre. Une localité connue pour cette célèbre épice qui aromatise des plats à travers le monde entier. Près de sept ans de dur labeur qui a fini par payer. « Je suis né dans le monde de l’agriculture. Je connais la souffrance. Alors, si le poivre exige de l’attention je m’y applique sans problème », souligne-t-il, bottes aux pieds et mains effleurant les plants. Un amour pour le poivre qui s’est construit au gré des circonstances.
Tout jeune, Jean Yourmain rêve de réussir en se consacrant ses études. Après l’obtention de son baccalauréat, il s’inscrit dans une formation en marine marchande. Mais, faute de moyens financiers, il est contraint d’abandonner. Un véritable coup dur. Mais, il ne baisse pas les bras et enchaîne « des petits jobs ». Lorsque son père lui offre un champ de 500 mètres carrés, ce jeune homme âgé de 35 ans et originaire de l’ouest du pays achète 100 pieds de poivres blancs grâce à des économies. Son objectif ? Produire un poivre de qualité et « bio » boosté par des « fientes faites à base des matières organiques ».
Des années plus tard, le pari est réussi. Jean Yourmain Tugarrou possède aujourd’hui un champ d’un hectare de 2700 pieds de poivres blanc et noir. A chaque récolte, il en produit environ 400 kilogrammes pour un chiffre d’affaires de plus d’un million de Francs Cfa. Ce qui lui a permis d’acheter et d’investir dans un champ de cacao et de d’ananas. «J’ai aussi trois ouvriers à ma disposition », dit avec fierté le père d’un petit garçon de cinq ans.
Mais, derrière cette satisfaction, se cache un processus de travail délicat qui demande de la patience. «Après la récolte du poivre qui dure environ trois à cinq mois, on le trempe. On change de l’eau chaque deux jours. Dès que le poivre est bien mou, on le sèche sur une bâche à l’air libre durant près de trois jours selon l’intensité du soleil. On le stocke ensuite dans les sacs en plastique de 25 à 50 Kilogramme », explique-t-il.
La chute du poivre blanc
Cependant, ces dernières années, le prix du kilogramme de poivre blanc de Penja a « considérablement chuté ». « Avant, il coûtait 17000F. De nos jours, il vaut 3500 », regrette-t-il. A côté de cette baisse, s‘ajoute des vols dont le jeune agriculteur est victime du fait de la position géographique de sa plantation de poivre située en route, « accessible à tous ». Ces derniers mois, il fait face à un autre problème : la hausse des prix des engrais biologiques.
Amélie Dita