Arnaud Etoundi, un myciculteur millionnaire

Grâce à la culture des champignons, ce jeune passionné d’agriculture, gestionnaire de formation à la base, a pu acheter un terrain, une moto, ouvrir un pressing et doter son épouse.
La myciculture ou culture du champignon reste encore très peu connue au Cameroun. Qu’est-ce qui explique cette situation ?
La culture des champignons est encore embryonnaire au Cameroun. Elle n'est même pas encore à sa phase de gestation parce qu'il n'y a pas une véritable politique de dynamisation de la filière malgré l'existence du projet champignon basé à Obala dans le département de la Lekié (Yaoundé, capitale du Cameroun). Jusqu'à ce jour, les actions du projet champignon qui est un démembrement du Minader (ministère de l’Agriculture et du développement rural du Cameroun) sont peu visibles à l'échelle nationale. Je crois fondamentalement pour ma part que ceci est dû à un déficit d'informations lié à une absence de vulgarisation et de sensibilisation.
D'autre part, les jeunes de ce pays pensent que leur développement se fera par les autres ou qu'il faille d'abord postuler aux concours administratifs, ce qui n'est pas très évident dans notre contexte. Il est temps de changer de vision de progrès personnel en regardant et en se tournant vers l'agriculture parce que la terre ne ment pas. J'en suis un exemple vivant.
Dans ce contexte, qu’est ce qui vous a poussé à vous lancer dans cette activité?
C'est le caractère innovant de l'activité qui m'a conduit dans la myciculture. En plus d'être une plante économiquement rentable, le champignon est un excellent complément nutritionnel au vu de son potentiel élevé en vitamine B, en calcium, magnésium, potassium, en ergostérol encore appelle pro vitamine D (substance détruisant le mauvais cholestérol dans le sang).
Je me suis alors dit que je produirais non seulement une nourriture de qualité, mais également j’offrirais un traitement à ces milliers de malades souffrant de goutte, d'hypertension artérielle, de diabète, de carence en fer tels les drépanocytaires et même les séropositifs. Croyez moi tous les diététiciens et experts en sciences de l'alimentation s'accordent pour reconnaitre que le champignon possède un trésor nutritionnel très élevé.
Quels sont les avantages de la culture du champignon ?
Les avantages de la myciculture sont multiformes. C'est une culture de peu d'espace encore appelée agriculture intensive parce qu'on produit sur peu d'espace et on gagne gros. C’est une culture de peu de temps. Trois semaines seulement après l'ensemencement, vous pouvez commencer les récoltes à moins d'un mois. Investissement relativement bas en fonction des moyens et de l'ambition du myciculteur.
En plus, l’activité est rentable. Vous pouvez produire jusqu'à 10 kg de champignons frais au mètre carré et plus. On n’a pas besoin de calendrier agricole car, la culture se pratique à tout temps et sur presque toutes les régions du Cameroun. Il s’agit de l'agriculture hors sol dont, pas besoin d'effectuer les opérations agricoles classiques qui sont le défrichage, l'abatage, le binage, le Buttage... Pas besoin d'aller en campagne pour pratiquer la culture des champignons parce que demandant peu d'espace, elle se pratique aussi bien en zone urbaine qu'en zone péri urbaine. La culture de recyclage des déchets agricoles dont culture écologique.
Le prix d'un kilogramme de champignons vendu à son niveau le plus bas sur le marché coûte 2 000 FCFA donc plus cher qu'un kilogramme de cacao qui est la principale culture de rente au Cameroun. L'activité vous occupera à temps partielle vous donnant la possibilité de continuer à vaquer à vos obligations. En terme d'opportunités, je dirai qu'il y a la création de richesses et d'emplois. En plus, l’ouverture vers les personnalités distinguées de la société parce jusqu'ici le champignon est une denrée de la haute société et des expatriés occidentaux.
Que vous a apporté la myciculture?
La culture des champignons m'a tout donné. J'ai pu doter ma femme. On sait comment cette affaire est élevée chez les bantous. J'ai ouvert mon pressing qui marche bien dans la ville de Yaoundé depuis 6 ans. J'ai pu acquérir un terrain où se tiennent d’ailleurs les différentes sessions de formation que j’organise. Toujours grâce à la culture des champignons, j’ai pu acheter une moto pour gagner en temps, assurer mes livraisons et rencontres d’affaires au vu des multiples embouteillages qui causent énormément des pertes de temps.
Pourquoi avez-vous décidé d’organiser des sessions de formation pour les jeunes ? Sont-ils intéressés ?
Je rappelle que les sessions de formation en culture des champignons concernent tout le monde. Je mets un accent sur les jeunes parce qu'ils représentent l'avenir. Étant un des leurs, je comprends mieux leurs problèmes et à ma manière je leur propose des solutions de développement personnel par des sessions de formation en myciculture. Depuis le début des sessions de formation en Avril 2016, nous avons formé 40% des jeunes âgés de moins 35 ans et pour moi ce chiffre est loin d'être une satisfaction. Mon souhait est de voir ces statistiques à l'inverse. C'est pourquoi au travers de cet entretien j'espère que les uns et les autres feront preuve de philanthropie pour soutenir ce projet stratégique.
Le coût de la formation qui dure une journée pour six heures de travail varie entre 20 000 FCFA et 30 000 FCFA. Ce montant est incitatif comparé au volume du travail fourni. En plus, un module de formation payé au prix plus haut cité vous donne accès à plus de cinq autres sessions de formation gratuitement. Le but ici est de montrer que nous investissons d'abord sur l'homme. Notre centre d'excellence mycicole est situé à Yaoundé au quartier Olembé au lieu dit à Cœur ouvert 2ème entrée face dépôt de bois se trouvant non loin de la station service tradex. En 07 sessions de formation (avril, mai, juin, juillet, août, novembre et décembre 2016), j'ai formé 80 Camerounais et Africains dont 32 jeunes de moins de 35 ans.
Que deviennent ces jeunes formés ?
Dans le but de suivre tous ceux qui ce sont formés au sein de mon association afin d'avoir le retour d'informations en temps réel, j'ai mis sur pied une plate-forme d'échanges en ligne. C'est le groupe whatsapp des Myciculteurs réunis du Cameroun (Myrec). Nombreux aujourd'hui sont devenus véritablement producteurs des champignons et vivent grâce aux revenus tirés de la culture des champignons. Ceux qui ont du mal à s'imposer sur le marché font appel à l'association qui se charge d'écouler leur production puisque nous sommes un réseau. On se doit d'être solidaire pour consolider la filière. Je rappelle que ces jeunes sont pour la plupart agronomes, banquiers, infirmiers, informaticiens, agriculteurs, étudiants en thèse, d'autres en fin de cycle master 1 et 2 et bien-sûr des chercheurs d'emploi.
En définitive, l'objectif à moyen terme est de mettre le label MYREC qui va non seulement vendre aux Camerounais, aux Africains mais aussi au reste du monde les champignons made in Cameroun. Conscient que seul mon action sera limitée dans le temps, je tends la main à la communauté nationale et internationale, à tous les Camerounais et Africains sans distinction de sexe ni d'âges, ni de rang social à venir non seulement se former en culture des champignons, et rejoindre l'association des myciculteurs réunis du Cameroun. Plus nous serons nombreux à regarder dans la même direction avec le même objectif, plus notre action sera visible et efficiente.