A l’Ouest du Cameroun, les dérèglements climatiques affectent les producteurs de haricot
Suite au prolongement de la période des pluies dans cette région, les agriculteurs ont enregistré des pertes post-récolte.
Sur une bâche étalée à même le sol dans la cour de son domicile à Kamkop, un quartier de Bafoussam, capitale régionale de l’Ouest du Cameroun, Olive Takuété a versé plus de 15 litres de seau de haricot rouge qu’elle trie et repartit dans deux bassines. L’une accueille les petites graines de bonne qualité et l’autre, celles pourries. Au terme de cette première opération qui prend fin au coucher du soleil ce lundi 18 décembre 2023, cette agricultrice âgée de 38 ans, vêtue de ses vêtements champêtres – un pantalon noir sous une longue robe – se montre déçue. Une déception perceptible dans ses échanges avec l’un de ses fils qui s’active dans la cuisine. « Voici à quoi ressemble le haricot cette année », s’exclame-t-elle, dépitée. « Tu t’attendais à quoi ? Nous l’avons déjà constaté au champ », rétorque ce dernier.
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«Pour aujourd’hui seulement, j’ai à peine un seau de haricot de bonne qualité. À côté, j’ai près de trois litres de (graines) pourries. Si je fais une projection sur les cinq à six seaux déjà à la maison, j’imagine qu’à la fin du tri, j’aurai au moins un seau de 15 litres de haricot pourri », confie Olive Takuété. L’agricultrice attribue ces pertes enregistrées en cette deuxième campagne de haricot à l’Ouest (mi-aout, mi-septembre), aux pluies abondantes qui se sont prolongées dans la région jusqu’à la fin du mois de novembre 2023 et « ont non seulement permis aux herbes d’envahir les produits mais également empêché de procéder aux récoltes, une fois le haricot à maturité ».
« De mémoire d’agricultrice, ce phénomène est nouveau. Depuis 10 ans que je suis dans les champs, on observe les dernières pluies à la fin du mois d’octobre », ajoute-t-elle. Car, dans les habitudes des producteurs de cette partie du pays, les pluies sont censées s’arrêter au plus tard à la mi-novembre de chaque année.
« Pertes énormes »
« J’étais heureuse de voir les pluies continuer jusqu’au début du mois de novembre 2023. J’avais plutôt pensé à une belle campagne… Je risque des pertes énormes », s’inquiète pour sa part Angèle Nana, agricultrice. Avec ces aléas climatiques, certains producteurs se sont engagés à enlever les gousses de haricots fraiches déjà à maturé afin de les mettre à l’abri dans leurs maisons et éviter ainsi qu’elles ne pourrissent dans les champs, au prix de dépenses financières supplémentaires. « Avec cette méthode, il faut engager des motos pour le transport », explique Romuald Kemfou, agriculteur.
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En dehors de cette technique généralement utilisée lors de la première campagne de haricot (mars-juillet) pour ceux qui associent ce produit à la principale campagne de maïs, certains ont changé leurs habitudes, récoltant plus tôt. C’est le cas de Carole Melong qui confie avoir produit du haricot sur une superficie de plus d’un hectare à Baleng et un peu moins à Banefo-Mifi, toujours à l’Ouest. Carole estime sa récolte à plus de 50 seaux de 15 litres. Elle compte évaluer les pertes à la fin de la récolte et de l’opération de tri, devenue incontournable.
Baiisse de la production de haricot de 35%
Dans la région, cette situation sonne comme du déjà-vu pour de nombreux producteurs. En 2022, l’arrêt des pluies avait été observé à l’Ouest vers le 10 octobre. Conséquence, la seconde campagne de haricot avait déjà été perturbé dans cette région. Une situation qui est d’ailleurs à l’origine de la hausse du prix de ce produit sur le marché actuellement. À la délégation régionale de l’Agriculture et du développement rural de l’Ouest (Drader), David Fofou signale une baisse de la production de haricot de 35% entre 2021 et 2022.
Une chute liée à l’arrêt prématuré des pluies en mi-septembre de cette campagne de haricot mais aussi au manque des engrais sur le marché du fait du coût élevé des produits phytosanitaires causé par la guerre entre la Russie et l’Ukraine, principaux fournisseurs du Cameroun. Selon le chef de service de contrôle de la qualité, il est difficile de conseiller les producteurs agricoles face aux dérèglements climatiques. « Les changements climatiques sont une réalité. Il est difficile de prévenir les phénomènes naturels. Le calendrier agricole est disponible. Mais, il peut avoir de petits changements non prévisibles », déclare David Fofou.
Armel Djiogue