Au Nord du Cameroun, le beurre de karité a le vent en poupe
Très prisé dans cette partie du pays pour ses multiples vertus, les producteurs de cette huile rencontrent pourtant plusieurs difficultés qui impactent leur activité.
Hadidjatou attend patiemment les clients. Assise sur un tabouret en bois, cette vendeuse de beurre de karité a installé ses bouteilles à même le sol au petit marché Yelwa, à Garoua, capitale régionale du Nord du Cameroun. La jeune femme de 37 ans n’est pas la seule commerçante de ce beurre très prisé. Ils sont des centaines dans cet espace marchand et à travers la région. Si certains sont spécialisés dans la vente, d’autres, en amont de la chaîne, transforment les fruits de karité en huiles.
De son nom scientifique Vitellaria paradoxa, le karité est un arbre très répandu dans le sahel. Le beurre de karité est extrait des amandes des noix du karité encore appelé « arbre à beurre ». L’extraction de l’huile est longue et nécessite des semaines de travail. « On ramasse les fruits du karité vers mai-juin et on retire le noyau qui est la matière première. Ensuite, on trempe les amandes des noix dans l’eau pendant une semaine. Puis on retire le mélange et on le pile », détaille Maoundé Sadou, un artisan spécialisé dans l’extraction depuis l’an 2000. D’après cet homme âgé de 38 ans qui a appris la technique auprès de sa tante, la couche huileuse obtenue est par la suite portée à ébullition jusqu’à l’obtention du beurre aux multiples vertus : consommation alimentaire, soins corporels et capillaires.
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Maoundé s’est d’ailleurs lancé dans l’extraction suite à un incident dans son village Nyoredou. A l’époque, un de ses jeunes frères, a la peau très sèche et pour l’adoucir, les parents, face au manque de beurre de karité, cherche d’urgence une alternative. « On m’a envoyé à vélo à plus de 20 kilomètres acheter la vaseline de 100 F Cfa à cause du manque d'huile de karité dans le village. C’est depuis ce jour que j’ai commencé à extraire cette huile pour utilité publique », se souvient-t-il avec beaucoup d’émotion, via des notes vocales WhatsApp.
Approvisionnement
Le réseau d’approvisionnement de cette huile végétale est aussi divers que varié, selon les commerçants. A l’aide de sa motocyclette, Moussa, jeune vendeur de 25 ans, collecte la marchandise auprès des producteurs et productrices de la zone. Hadidjatou, la commerçante citée plus haut, s’approvisionne depuis le Tchad voisin. « Je passe les commandes des bidons de 25 litres. Le prix du bidon varie entre 32 000 Francs Cfa et 40.000 F Cfa », affirme-t-elle.
Sur les étals des marchés de Garoua, le litre du beurre de karité coûte entre 1 500 et 2.000 Francs Cfa selon la période. Par jour, Hadidjatou vend en moyenne 35 litres, pour un revenu journalier d’environ 70.000 F Cfa. Grâce à cette activité, elle parvient à joindre les deux bouts. « Je subviens aux besoins de ma famille, en plus de ce que le père de mes enfants apporte à la maison », confie cette mère de six enfants.
Mais, en haut de la chaîne, les transformateurs font face à de nombreuses difficultés. Dans la localité de Ngong, Djoumba, extractrice de beurre de karité, ne parvient pas à satisfaire la forte demande de sa clientèle. Au-delà de la rareté des fruits de karité, cette femme âgée de 34 ans évoque d’autres entraves : l’instance chaleur du four lors de la préparation, le manque de matériels modernes, le risque de se faire mordre par des reptiles dangereux lors du ramassage de fruits et les feux de brousse qui empêchent certaines plantes de produire. Loin de ces préoccupations, la clientèle du beurre de karité ne faiblit pas.
Jérôme Baïmélé