Cameroun : des jus, biscuits, vins blanc et rouge à base de noix de cajou
Spécialisée dans la transformation de l’anacarde dans le Nord du pays, la coopérative Foods and Beverages Engeneering est dirigée par des jeunes ingénieurs diplômés en sciences agro-industrielles.
Nicodème et ses amis Abdou et Pierre, dégustent du vin blanc pour célébrer la fête de l’assomption. Par curiosité, il jette un regard sur l’étiquette de la bouteille et se rend compte qu’ils sont en train de consommer du vin blanc fait à base d’anacarde, 100% made in Garoua, capitale régionale du Nord du Cameroun. Nicodème a acheté ce vin chez Bouba Ali, tenancier d’une alimentation au Petit marché Yelwa, un quartier de la ville.
Dans la boutique de ce dernier, les rayons sont achalandés de produits faits à base d’anacarde : vin blanc, vin rouge, jus, chips. C’est le fruit d’un partenariat que Bouba a tissé avec les producteurs locaux qu’il connait bien. « Ils sont basés à Santa Barbara au quartier Djamboutou. Ce sont des jeunes étudiants sortis de Ngaoundéré qui en fabriquent. Ils nous ont font déguster et nous avons décidé de nouer un partenariat avec eux », explique-t-il. Et les clients en raffolent. D’après ce commerçant, ces produits alimentaires dérivés de l’anacarde ont le vent en poupe dans la ville.
Huile, vin, biscuits… à base d’anacardes
Tout commence à Djamboutou Garoua. C’est dans ce petit quartier que la coopérative Foods and Beverages Engeneering, spécialisée dans la transformation des noix et des pommes de cajou s’est installée. Cette entreprise a été créée en 2020 à Garoua par des ingénieurs sortis de l’Ecole nationale supérieure des sciences agro-industrielles (Ensai) de l’université de Ngaoundéré, capitale de l’Adamaoua, l’une des trois régions (avec le Nord et l’extrême-nord) du septentrion camerounais.
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Gérard Ngoko T., 30 ans, est le directeur de cette coopérative experte dans la transformation des produits locaux, notamment l’anacarde en jus, huile, vin, pâtes et biscuits. Rencontré le 23 août 2023, l’ingénieur natif de la région de l’Ouest, a su affiner sa passion de découvreur de trésor caché dans l’anacardier, une plante qui se développe particulièrement dans la partie septentrionale du pays.
La coopérative Foods and Beverages Engeneering fabrique des amandes torréfiées et salées, des pommes séchées appelées chips de cajou, du vin rouge et blanc, faits à base de la pomme rouge et jaune, des jus de fruits, des cocktails à base des pommes d’anacarde, du sirop d’anacarde, du vinaigre, des liqueurs, etc. Meilleur espoir 2022 de Cameroon Business Today Champions Made in Cameroon, un concours primant des jeunes entrepreneurs, la coopérative que Gérard Ngoko dirige représente l’espoir d’un secteur en essor au Cameroun. D’après l’ingénieur, l’implantation de cette entreprise innovante dans la ville de Garoua, épouse le fait que c’est dans cette ville que se trouve le siège du Projet de développement de la filière cajou, implanté dans cinq régions du pays: Extrême-Nord, Nord, Adamaoua, Est et Centre.
Grâce au répertoire de producteurs fourni par le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, la coopérative a noué des partenariats avec ces agriculteurs repartis dans le Grand-Nord et ne manque donc pas de matière première. D’après la direction de la société, la technologie utilisée par cette petite et moyenne entreprise (PME) qui emploie 12 personnes, dont six femmes, est locale. Les machines de l’usine ont été fabriquées par des jeunes ingénieurs formés à l’Ensai de Ngaoundéré. Il s’agit notamment du séchoir, la décortiqueuse, la presse et le broyeur. « Nous utilisons des machines qui relèvent de notre propre ingéniosité, car nous les avons fabriqués nous-mêmes. Le processus et les étapes de la fabrication restent un secret interne », souligne Gérard Ngoko.
12 tonnes pour 2023
Pour l’année 2023, l’entreprise a prévu de transformer 12 tonnes de pommes transformés, soit une prévision d’une tonne par mois. D’après les techniciens, le temps de la transformation en amande torréfiée, enrobée ou salée est de quatre jours pour 100 kg de matière première. Mais, tout n’est pas toujours facile. Pour transformer la pomme de cajou en jus, vins, sirop et la noix de cajou en cacahuètes et nougats, etc., la Coopérative Foods and Beverages Engeneering a rencontré des difficultés à obtenir de ses fournisseurs producteurs d’anacarde, les produits de bonne qualité, dû notamment à la mauvaise gestion post récolte et le manque d’appropriation des bonnes pratiques de récolte par ceux-ci.
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D’où l’organisation de l’atelier de renforcement des capacités des producteurs d’anacarde aux techniques de récolte et activités post récolte des produits de l’anacarde qui s’est déroulé du 22 au 23 août 2023 à Bocklé, dans l’arrondissement de Garoua 3e, région du Nord. D’après les termes de référence de cet atelier, il était question de « mutualiser les efforts des acteurs de la filière anacarde sur les modalités de développement de la filière, faciliter la coordination des actions et former 50 producteurs de l’anacarde sur les techniques de récolte et les activités post-récolte ».
Car, la production de l’anacarde est en plein essor au Cameroun et surtout dans la partie septentrionale du pays, même si la région du Nord a connu une chute de 42,18% en 2021. Les principales raisons de cette dégringolade sont entre autres la fuite de la production vers le Nigéria et les dégâts des termites dans les plantations d’anacardiers, un domaine qui intéresse de plus en plus la gent féminine de la région du Nord. « Les nigérians viennent acheter ici mais personne ne peut nous dire le nombre de tonne vendu. L’exportation n’est pas raisonnée, c’est comme ce qui se fait avec le soja, les arachides, le maïs, etc. », souligne Miste Madi, coordinatrice nationale du Projet d’appui au développement de la filière Cajou (Padfc) créé en février 2020. « Les nigérians laissent de l’argent auprès de certaines personnes qui leur collectent les amandes », renchérit Toumba Katerguoi, 1er prix national du cajou au Comice agropastoral de 2011 pour le département du Faro.
1,5 million de plants distribués
Ce qui attire de plus en plus de personnes dans le secteur. En 2003 déjà, le Groupement d’intérêt communautaire (Gic) dénommé « Ribaou » (ancienne appellation de Garoua) implanté dans la localité de Mayo Dadi , considérée comme le fief de la filière cajou au Cameroun, avait signé une convention d’une durée de 30 ans avec le gouvernement Camerounais. Un contrat qui octroyait à ce Gic existant depuis plus de deux décennies, l’exploitation du verger d’anacardiers de l’Etat à Mayo Dadi, soit une superficie d’environ 500 hectares. D’après Miste Madi, coordinatrice nationale Padfc, au moins 1 500 000 plants d’anacardiers ont été distribués aux producteurs en 2020 et 2022
Et la noix de cajou se vend bien. A la coopérative Foods and Beverages Engeneering, « il y a des entreprises qui prennent nos produits en gros pour aller produire des glaces. La clientèle est constituée des boutiques des stations-services, les boutiques des procures, les centres artisanaux », se réjouit Gérard Ngoko, le directeur, qui «ne peut pas encore parler de chiffre d’affaires ». «Nous sommes dans une phase qui n’est pas à 100% vente. 40% des produits de l’entreprise sont réservés à la vente et 60% à la dégustation », ajoute-t-il tout en précisant néanmoins que dans cette phase, les commandes sortent de partout dans la partie méridionale du Cameroun et les régions septentrionales.
Jérôme Baïmélé