« Nous voulons labelliser le bâton de manioc » au Cameroun
Romuald Dzomo, le président d’Ani-international présente la foire du bon bâton de manioc prévue du 1er au 2 août à Sa’a avec pour objectifs de développer la filière, vulgariser les bonnes pratiques agricoles et outiller les femmes rurales.
La foire du bon bâton de manioc et ses dérivés s’ouvre ce mercredi 1er août dans la ville de Sa’a au Cameroun. De quoi s’agit-il concrètement ?
La foire est l’occasion de montrer les activités que nous menons avec les femmes rurales pendant l’année. Il s’agit d’un événement annuel organisé par l’association Afrique et nouvelles interdépendances (Ani-International) que nous avons lancé en 2016 d’abord sous la forme d’un concours du bon bâton de manioc. Après deux éditions et au regard de leurs succès nous avons pensé qu’il serait bien de faire grandir le projet en l’étalant sur deux jours. Cette année, la ville de Sa’a dans le département de la Lékié, région du centre est à l’honneur avec des activités agricoles, gastronomiques et culturelles.
Nous attendons 250 exposants spécialisés dans la culture et la transformation du manioc en produits dérivés (Couscous, gari, amidon, bâton de manioc, etc). Ils viendront de tous les arrondissements et villages du coin. Des experts de l’Institut de la recherche agricole pour le développement(Irad) seront chargés de goûter les produits et fournir conseils et avis techniques sur la qualité de ces produits particulièrement du bâton de manioc.
Comment est née la foire du bon bâton de manioc ?
Elle est née d’un constat triste et alarmant : l’important exode rural des jeunes et femmes face à l’absence de perspectives d’avenir dans les communes du département. Par la suite un réseau des producteurs et transformateurs de manioc d’environ 700 membres s’est constitué. Nous avons mis ensemble la diaspora camerounaise, les femmes rurales et les partenaires locaux pour pouvoir booster et moderniser les activités de transformation autour du manioc.
Quels sont les objectifs visés ?
Notre objectif est de favoriser la vente à une vaste échelle, des produits issus de la transformation du manioc. Cela sera possible grâce à une transformation normée et de qualité où les règles d’hygiène sont respectées. Les coopératives avec lesquelles nous travaillons sont engagées sur plusieurs projets. Nous sommes en train de mettre en place une mutualisation des matières. Comment est-ce qu’on peut produire deux fois plus le même bâton de la même façon. C’est pour cela que nous avons mis sur pied la fiche technique du bâton de manioc qui sera partagée auprès des femmes
Les femmes rurales sont au cœur de vos actions ?
Oui. Ce sont les premières actrices de la filière.Les femmes ont toujours cultivé le manioc mais aujourd’hui elles font face à la rareté des terres cultivables. Les femmes sont obligées d’aller chercher dans d'autres départements notamment le Mbam. Nous essayons de leur montrer comment cultiver et avoir un bon rendement même sur de petites surfaces.
Et là, nous avons mis les femmes en partenariat avec des structures qui leur donnent des boutures. Ce qui leur permet de mieux cultiver. C'est là le premier point. Le deuxième c’est que nous travaillons à une meilleure transformation du manioc. Parce que sur la question de transformation, les femmes ont toujours fait le bâton de manioc mais il faut que cela soit fait avec des normes, le respect des règles d’hygiènes.
Nous leur donnons des machines pour qu’elles ne souffrent plus dans la transformation. Troisième point nous sommes en train de voir comment les accompagner dans la commercialisation. C’est un enjeu majeur car, si nous les accompagnons, elles ne vont plus se promener avec des cuvettes de manioc ou de bâton de manioc dans le marché. Tout le travail consiste à voir comment on peut faire mieux. Ce n’est pas facile car, parler à une femme de ce qui va se passer dans un an ou 2 ans, c’est très loin pour elle. Donc, nous travaillons pour qu’elles acceptent ce que nous leur proposons.
Pourquoi l’intérêt pour le manioc et non une autre culture ?
C’est l’or blanc et surtout un des tubercules les plus consommés et transformés au Cameroun. Nous nous sommes rendus compte qu’il y’a un enjeu réel sur la problématique du manioc. Cela signifie qu’il y’a un travail à faire et que le manioc peut nourrir, ses dérivés peuvent permettre de faire la farine et beaucoup d’autres choses. L’une des faiblesses de notre économie rurale c’est que nous avons toujours fait les choses de façon ancestrale. Nous devons moderniser les façons de faire sans dénaturer le produit.
Nous leur apportons aussi après avoir réfléchi à la modernisation, l’amélioration de la culture. Nous avons travaillé avec le Programme d’investissement et de développement des marchés agricoles. (Pidma). L’Irad nous a permis de comprendre que c’est la variété campo qui est la mieux adaptée pour faire le bâton de manioc. Il y’a plusieurs variétés de manioc. Il y’en a qui font du bon tapioca, du bon couscous. Le 1er août, la première unité de transformation équipée de matériel agricole de transformation avec l’aide du Pidma sera inaugurée à cette occasion.
Propos recueillis par Elsa Kane Njiale