C’est un nom qui compte dans le paysage de l’entrepreneuriat agricole et du leadership féminin au Cameroun. A force de passion, de persévérance et d’innovation, Dorothy Selamo épouse Siewe tout juste 39 ans, a su imposer son savoir-faire au plan national. Ce mois de mars, elle est très sollicitée par des femmes qui souhaitent bénéficier de son expérience dans la transformation des produits agricoles. Notamment du manioc, de l’igname, du macabo et du cacao qu’elle a su transformer.
Et dire qu’à une époque, avec sa maitrise en droit, l’étudiante d’alors ne rêvait que d’une carrière dans la magistrature ou l’administration. Malheureusement ou heureusement, elle échoue plusieurs fois au concours de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam). Mais alors que certains cèdent parfois au découragement, Dorothy refuse d’aller grossir le rang des chômeurs. Son plan B : ce sera l’agroalimentaire. Le Cameroun riche de ses 5 zones agro-écologiques possède un potentiel énorme.
Jus de semoule de manioc
Dorothy Selamo a une idée ingénieuse : transformer la semoule de manioc ou tapioca en jus. Il fallait juste y penser ! Les débuts sont laborieux. Elle devient vendeuse ambulante dans les rues de Yaoundé et recycle des bouteilles pour vendre son « Gari Light » marque déposée à l’Oapi. Nous sommes en 2002-2003. 16 ans plus tard, Dorothy Selamo est la déléguée générale de Gariland Cameroon, une coopérative Agro-industrielle équipée à plus de 10 millions F Cfa d’investissement et qui emploie une quinzaine de personnes à Mbalmayo à 45 km de Yaoundé.
La coopérative a mis une gamme de produits qui font son succès : Miondonini » des pâtes alimentaires à base de farine de manioc, d’igname et Macabo ; des dattes fourrées aux fèves de cacao appelées « Perles noires » et plus récemment ; « NexCoffee » un café aromatisé aux épices du pays.
Pour Dorothy Selamo, la passion est la clé pour réussir dans l’agroalimentaire. Un univers où les difficultés ne manquent pas. L’accès aux financements est rare, ainsi que l’approvisionnement difficile en eau et en électricité qui occasionne de nombreuses pertes. « Il faut être téméraires et ne pas baisser les bras », conseille cette chercheuse que nous avons rencontrée à plusieurs reprises à des foires, au festi-cacao, au festi-café ou encore au Forum sous-régional sur le manioc à Yaoundé entre 2016 et 2017. Super maman entrepreneure, Dorothy Selamo était souvent accompagnée de sa petite dernière qui n’avait que quelques mois. Avec son mari chercheur, elle forme un duo de choc. Il a le souci de voir son épouse réussir et l’épaule.
Sa plus grande fierté : « Avoir échangé quelques minutes avec le président de la République Paul Biay lors du comice agro-astole d’Ebolowa en 2010 ». Et surtout, « avoir réussi à valoriser les ressources alimentaires locales non conventionnelles, contribuer au recul de l’insécurité alimentaire avec un accent sur la nutrition des enfants et des jeunes qui sont ses premières cibles et voyager pour témoigner du savoir-faire camerounais dans le monde ». « Je n’aurais pas fait cela si j’étais devenu administrateur. L’agriculture est un créneau porteur, les jeunes doivent se lancer », confie cette amazone de la transformation du manioc.
Elsa Kane Njiale à Yaoundé