L’infatigable marchand-grossiste de fruits
Installé depuis près d’une décennie au marché central de Douala, capitale économique du Cameroun, Bruno Kouameni parcourt des villages pour acheter des agrumes et ravitailler commerçants et particuliers.
La mine fatiguée, Bruno Kouameni déambule entre les sacs d’oranges et d’avocats posés pêle-mêle sur son chemin. Au milieu des bavardages incessants des commerçants, des klaxons des motos et taxis, l’homme âgé de 40 ans fait le calcul de ses ventes, débout et dans sa tête. « Je suis arrivé au marché à 4 h ce matin. Je dois repartir en brousse chercher les avocats demain », avoue-t-il, un faible sourire aux lèvres.
Depuis 10 ans, cet ancien comptable est l’un des principaux grossistes de la Gare, secteur spécialisé dans la vente des fruits au marché central de Douala, capitale économique du Cameroun. Selon les saisons, Bruno vend des oranges, mangues, ananas, avocats, papayes… « Nous sommes actuellement en saison d’avocats et c’est ce que je propose à mes clients ». Ce marchand-grossiste comme il se définit, parcourt des villages pour s’approvisionner auprès des agriculteurs et revient les revendre aux commerçants et particuliers.
« Je quitte de Douala en voiture mais, une fois en brousse, je vais le plus souvent à moto et à pied. Les routes sont impraticables dans nos villages. En fonction de la production, je peux revenir avec jusqu’à 40 sacs de marchandises au premier voyage », explique-t-il. Les clients, vendeurs détaillants pour la plupart, passent des commandes par téléphone ou viennent acheter sur place au marché. Il exporte aussi une quantité vers les pays de l’Union européenne tels la France et la Belgique.
En quelques heures, Bruno écoule parfois toute sa marchandise et doit repartir le lendemain. En cette saison d’avocats dont le prix du sac varie entre 4000 et 9 000 F. CFA sur le marché, il parcourt les régions du Sud-ouest et de l’Ouest (Mbouda) du Cameroun, grands bastions de production. S’il refuse de nous dévoiler son chiffre d’affaires, le marchand assure tout de même que ce commerce lui permet de prendre soin de toute sa famille : son épouse, ses quatre enfants, ses frères et sœurs.
« Les fruits sont très périssables et parfois, avant d’arriver à Douala, certains sont gâtés. Nous sommes alors obligés de vendre à crédit aux commerçants pour ne pas tout perdre. Parfois, il pleut dans les villages et les agriculteurs ne peuvent grimper sur les arbres. On perd des jours en brousse », se désole-t-il. Des difficultés qui n’arrêtent pas le marchand qui a quitté son job de comptable à cause d’un mauvais traitement salarial pour s’investir dans la vente des produits agricoles. Son objectif est de faire « consommer camerounais » aux clients et surtout d’encourager l’agriculture. « Acheter leur récolte les pousse à continuer à investir dans leur champ », conclut-il, en se replongeant mentalement dans ses calculs.
Théophile Minlo