Kinding Ndjabi : un grenier sans voie d’accès
Situé dans la commune de Makénéné, région du centre, ce village de plus de 1000 âmes est un pool important de la production du cacao, des fruits et légumes au Cameroun.
Parcourir le village et collecter les cageots de tomates et les légumes. Ce travail, Rosaline Djomo, grossiste de vivre frais le fait en moyenne quatre fois par semaine au village Kinding Ndjabi, une localité située à 14 km de Makénéné, dans le département du Mbam-et-Inoubou, région du Centre Cameroun. Cette dame d’une quarantaine d’année, comme ses concurrents commerciaux, est connue de tous les habitants, principalement des agriculteurs qui l’ont baptisé « Ma Rose ». Son arrivée dans cette bourgade est toujours très attendue. « Elle est l’une des grossistes qui achètent nos produits pour les revendre dans les milieux urbains. Elle connait tous les recoins du village, en particulier les secteurs où elle doit rencontrer les fermiers », confie Younous, un agriculteur.
Cette revendeuse est toujours équipée d’une camionnette. Au fur et à mesure que les livraisons sont faites, Rosaline Djomo consigne dans son carnet de note les quantités reçues ainsi que leur prix, après négociation du prix avec le fournisseur. Ces cageots sont ensuite rangé dans le véhicule, superposés les uns sur les autres. « Je suis dans ce métier depuis cinq ans. Je réside à Bangangté (ouest, ndlr) et je viens dans cette localité acheter les produits que je revendrai dans les villes de Douala et Yaoundé », dit-elle. Par moment, elle appelle au téléphone certains fournisseurs pour s’assurer de la livraison effective de leurs produits. En attendant son passage, les agriculteurs rangent leur récolte au coin de la rue et espèrent que cette commerçante va les acheter.
Pendant ses différents passages dans cette localité, elle emploie des jeunes du village pour effectuer le chargement. Une cargaison contient minimum 250 cageots et la main d’œuvre pour son chargement oscille entre 10 000 et 15 000 F Cfa. Le cageot de tomate coûte 1500 F. Cfa, et peut aller au-delà en fonction des saisons. Mais une fois dans les marchés de la métropole, le même cageot revient deux à trois fois plus cher. « En une semaine, je peux acheter en moyenne 2 000 cageots. Mais tout dépend de la période », explique Rosaline Djomo, qui gagne en moyenne 50 000 F Cfa de bénéfice par cargaison. Ce marché est également discuté par les grossistes Gabonais et Equato-guinéens, qui malgré l’accès périlleux, vont directement s’approvisionner dans les plantations principalement, les mercredi et jeudi.
Un grenier sans voie d’accès
Kinding Djabi est une mine d’or de produits agricoles. On y retrouve du riz, cacao, légumes, les fruits. Mais, malgré toutes ces richesses, le village reste inaccessible en raison de la mauvaise qualité de route. « Comme tous les villages du Cameroun, le nôtre manque d’eau potable, d’électricité et surtout de route. C’est notre principale difficulté pour écouler nos produits. Si on avait une bonne route bitumée, les habitants au lieu de parcourir 14 Km, feront seulement 6 pour rejoindre le village », regrette le chef du village, David Kinding Ndjabi, par ailleurs premier adjoint au maire à la municipalité de Makénéné. Le moyen de transport le plus sollicité pour rallier cette localité d’une superficie d’environ 14 Km2, reste la moto. Un trajet deux fois plus pénible en saison pluvieuse. « Nous n’avons qu’une seule route pour sortir et entrer. Le village n’est pas protégé. Si un assaillant arrive dans ce village nous n’auront pas d’issue de sortie. Il faut aussi parcourir des kilomètres pour sauver une vie », déplore Michel Wilson Henko, inspecteur de police à la retraite.
A l’image de l’arrondissement de Makénéné, Kinding Ndjabi est un village cosmopolite, qui accueille des camerounais de diverses ethnies. On y trouve des ressortissants du Nord-Ouest, de l’Ouest, du Centre, et même des expatriés africains. Selon les témoignages, ces hommes sont attirés par la fertilité du sol et la disponibilité des espaces exploitables. « Sur le plan économique, notre plus grande richesse c’est le cacao. Dans l’arrondissement de Makénéné, ce village est le troisième producteur du Cacao. Notre village se distingue aussi par la production de la variété du riz paddy, qui se commercialise encore à l’échelle locale », souligne le chef du village. Cependant le village ne dispose pas de décortiqueuse. Un problème qui sera résolu dans un futur proche avec l’installation d’une usine chinoise, à en croire, David Kinding Ndjabi. Sur le plan infrastructurelle, Kinding Ndjabi dispose d’un centre de santé, un groupe scolaire, et bientôt un collège d’enseignement technique.
Marie-Louise Mamgue