« Je gagne 500 000 Francs Cfa par an »: à l’ouest du Cameroun, des enseignants arrondissent leurs fins de mois grâce à l’élevage de porcs
Vacataires ou professeurs des lycées, ils parviennent à prendre soin de leurs familles grâce à ces sources de revenus supplémentaires.
Gérard Tatsakou Tchinda est un lève-tôt. Chaque matin, armé d’un balai, d’un seau et d’une pelle, ce père de trois enfants se rend dans sa petite porcherie construite derrière son appartement situé à Kamkop un groupement de l’Ouest du Cameroun. Il nettoie l’enclos et nourrit ensuite ses 10 porcelets et deux truies en gestation. Une fois ses animaux entretenus, le trentenaire peut enfin vaquer à ses autres occupations.« C’est une activité qui me permet de répondre à mes besoins et à prendre en charge ma famille », confie cet enseignant vacataire dans un collège confessionnel d’enseignement général et technique.
L’aventure commence en 2022, après quatre tentatives infructueuses au concours d’intégration dans la fonction publique. Titulaire d’un certificat d’aptitude pédagogique d’instituteur de l’enseignement technique (Capiet) obtenu en 2017 à l’école normale d’instituteur de l’enseignement technique de Bafoussam, Gérard Tatsakou Tchinda peine à joindre les deux bouts. A l’époque, son salaire d’enseignant combiné à ses recettes journalières de conducteur de mototaxi ne suffisent plus à faire vivre sa famille. « C’est ainsi qu’inspirer par une connaissance, je me lance dans l’élevage des porcs », raconte-t-il.
« Je gagne 500.000F Cfa par an»
Pour construire sa porcherie, Gérard Tatsakou Tchinda emprunte 250 000 francs Cfa à des particuliers. Il démarre avec quatre porcelets. Deux ans plus tard, il semble avoir réussi son pari. Gérard gagne 50 000 Francs Cfa par mois grâce à l’enseignement. Lorsqu’il ne donne pas de cours, son revenu journalier en tant que conducteur de mototaxi oscille entre 2500 et 6 000 Francs Cfa. Des entrées financières qui lui permettent d’acheter les aliments pour ses animaux. « Je gagne 500 000FrancsCfa par an grâce à l’élevage des porcs », lâche l’éleveur.
Comme Gérard TatsakouTchinda, de nombreuses familles misent sur l’élevage des porcs dans la région de l’Ouest. Depuis plusieurs années, Jaurès Mboua en a fait une activité secondaire. Ce professeur des lycées d’enseignement secondaire général a commencé par passion. C’est aujourd’hui une source de revenus. « C’est avec l’élevage des porcs que je réussis à m’occuper de ma famille. Si nous ne comptons que sur le salaire de fonctionnaire, nous ne pouvons pas bien faire les choses et surtout satisfaire de nombreuses mains qui attendent », affirme celui qui dit posséder quatre truies.
D’après cet éleveur, cette activité est moins exigeante. «La prise en charge est couteuse mais le temps à y consacrer n’est pas significatif. Il faut juste accepter de nourrir les animaux avant le coucher du soleil. Nettoyer l’enclos le matin et les nourrir », explique Jaurès Mbou. Selon Bernard Nguetchouessi Souop, président de l’interprofession porcine de l’Ouest, si de nombreuses familles s’investissent dans l’élevage des porcs, elles rencontrent cependant des difficultés telles la hausse des prix des aliments et l’épizootie de la peste porcine africaine déclarée en juin 2021 dans cette région présentée comme l’un des plus grands bassins de production du pays.
Porcs importés d’Europe
A en croire les statistiques de l’interprofession porcine de l’Ouest, à l’époque, la quantité d’animaux abattus dans les fermes représentait 22,5% du cheptel de 400 000 têtes recensées dans cette unité administrative. Pour relancer la filière dans la région, 100 porcs améliorés ont depuis été importés d’Europe par le ministère de l’Élevage, des pêches et des industries animales (Minepia). Ces races ont été mises à la disposition des fermes professionnelles sélectionnées.
D’après le docteur Jonas Temwa, délégué régional Minepia Ouest, ces bêtes importées peuvent produire 12 à 22 porcelets par mise base, contrairement aux races traditionnelles qui donnent cinq à huit porcelets. Le délégué confie qu’avant la peste, la région comptait 150 000 porcs reproducteurs résidents dans les fermes. Des chiffres n’incluant pas les porcs charcutiers destinés à l’abattage. En 2023, l’Ouest comptait 140 000 porcs reproducteurs résidents, avec l’approvisionnement des marchés à plus de 300 à 500 porcs charcutiers par semaine.
Armel Djiogue