« Des beignets à base de farine de peaux de manioc ! », s’exclame une dame en posant un regard interrogateur sur le plateau de beignets soufflets que lui présente Ernest Ewoty Ndjié. Poussée par la curiosité plus que l’envie de manger, elle porte la main vers le plat et engloutit un beignet. Quelques secondes après, son visage s’éclaire d’un sourire. « C’est bon, on sent un petit goût amer, mais c’est succulent et moelleux!», lâche la dame à la grande satisfaction l’entrepreneur.
C’est en 2015, qu’Ernest Ewoty Ndjié a eu l’ingénieuse idée de transformer les pelures considérés comme des déchets en farine pâtissière. A Ebolowa, capitale de la région du Sud Cameroun, son travail de boulanger ne marchait pas fort. L’argent avait du mal à rentrer dans les poches de ce père de famille. En réfléchissant sur les moyens de remettre son activité sur les rails, l’idée s’est imposée à lui « par l’inspiration divine », tient-il à préciser.
« Je suis parti du principe que c’est sur les peaux qu’on trouve les meilleurs éléments nutritifs. En occurrence : la peau de banane, la peau de banane plantain, la peau d’ananas, etc. Il faut qu’on cesse de dire que la peau est amère. Le manioc a deux types de peaux : la peau du manioc amer et la peau du manioc doux. Il est important de changer les mentalités des camerounais afin qu’ils comprennent que la peau n’est pas destinée à finir dans la poubelle, qu’on peut la consommer », plaide le boulanger qui consent à révéler une partie de son procédé de fabrication sans toutefois tout dévoiler. Secret de fabrication oblige.
Lutter contre la malnutrition
« Il y a deux types de peaux de manioc. C’est la peau du manioc doux que j’utilise. Je la fais traiter puisque la membrane légère qui est au dessus de la peau, il faut la jeter. Je récupère la peau blanche et rose ensuite, je la traite par mon procédé », dit-il en soulignant qu’il s’est lancé dans l’aventure sans gros moyens. « Je n’avais aucun capital de départ juste quelques billets en poche. Je suis allé vers les femmes qui font des bâtons de manioc récupérer les peaux. C’est ainsi que j’ai débuté. Même si aujourd’hui je n’ai plus ces peaux gratuitement puisque les vendeuses savent déjà que j’en fais de la farine et me demander de payer, », explique-t-il.
Il a baptisé sa farine « Ewotson » et produit environ 50 kg par mois. Avec le temps, Ernest Ewoty Ndjié a pris conscience qu’un problème de malnutrition se pose au Cameroun. 2.9 Millions de personnes (réfugies et déplacés internes) sont vulnérables à la faim au Cameroun, selon l’Ocha.
« Ma farine peut les aider si elle est produite à grande échelle et vendue à moindre coût. Mais ma main d’œuvre est encore limitée celle de mon épouse. Il y a quelques années, le ministère de l’Industrie, des mines et du développement technologique m’a octroyé une subvention pour déposer ma demande de brevet d’invention à l’Oapi. C’est le soutien que j’ai et j’en suis reconnaissant. Je souhaite vraiment avoir plus de soutien. Je profite de votre tribune pour tendre la main à l’Etat et aux investisseurs afin qu’ils m’aident à vulgariser la farine « Ewotson », dit-il en se réjouissant des prix déjà remportés lors des foires et festivals.
Elsa Kane Njiale à Yaoundé