Regroupés dans un petit hangar de fortune, construit sur l’une des rives de l’océan Atlantique qui traverse le village Debundscha, un groupe de pêcheurs se racontent en rire, les petites blagues de leur multiple aventure en mer. Aidés par quelques jeunes du village, certains rangent les outils de pêche, tandis que d’autres vérifient l’état du filet qui doit encore servir pour les prochaines expéditions. Ces pêcheurs viennent d’accoster, explique Koffi Karbian, l’un des membres du groupe, après deux nuits passées dans l’immensité de l’Océan atlantique.
D’origine togolaise, Koffi âgé, 39 ans, à la quête d’une vie meilleure, s’est installée dans cette bourgade pour se donner une chance de survie. D’abord avec son père et aujourd’hui à son propre compte, cet homme a opté depuis l’âge de 25 ans après ses études, pour la pêche sur les côtes camerounaises. « J’ai d’abord travaillé comme employé avant de m’installer aujourd’hui à mon propre compte. Je conduis une équipe de trois personnes avec lesquelles je vais pêcher », affirme t-il.
Selon ce pêcheur, chaque expédition dure en moyenne deux jours. Avant leur retour au village, ce samedi, cette équipe a passé deux nuits en mer, à la quête des poissons. «Nous sommes rentrés avec une pirogue de poissons, l’équivalent de près six grandes bassines, constituée en majorité des bars et des carpes », explique Koffi. Dans ce village situé à quelques kilomètres de Limbé, les piroguiers jettent l’ancre pour la plupart dans la martinée, entre 6 et 9 heures. Une période de la journée à laquelle attendent des grossistes qui viennent de différentes villes du Cameroun s’approvisionner. Les poissons sont écoulés en kilogrammes, à raison de 2000 F Cfa, voire un peu plus en fonction des espèces et des périodes. Une expédition rapporte minimum 100 000 F Cfa.
Situé dans le département de Fako, région du Sud-ouest Cameroun, Debundscha produit en moyen 200 kilogrammes de poissons par jour, souligne C.N. Chokwe, chef de poste de contrôle de pêche. « Nous avons 17 pêcheurs seulement qui disposent d’une autorisation. Mais ils emploient plusieurs personnes dans certains cas ou sous-traitent avec d’autres pêcheurs qui utilisent leur matériel », dit-il. Son travail consiste à veiller sur la qualité des poissons, le respect strict de la réglementation en vigueur dans ce secteur et l’octroi de l’autorisation de pêche. «Nous veuillons à ce que la pêche soit faite dans le respect strict de la loi camerounaise. Les filets et les pirogues ont des tailles spécifiques. Les poissons doivent être bien conservés, sinon ils sont détruits. Il y a aussi des espèces protégées qui sont interdites de pêche et ceux qui vont à l’encontre de cette interdiction sont sanctionnés », souligne ce contrôleur de pêche.
« L’eau détruit nos maisons »
Avec une population estimée à près de 500 habitants, selon le chef du village, Ewenga Bartholomero Bekumaka, cette localité fait partie des lieux enregistrant la plus forte pluviométrie au monde. Le village vit principalement de la pêche et un peu de l’agriculture. « En dehors des camerounais, cette localité abrite aussi des nigérians, des ghanéens et autres expatriés qui y ont trouvé non seulement un refuge, mais également une niche où ils peuvent avoir beaucoup d’argent », souligne Ewenga Bartholomero Bekumaka.
Cependant, même si la pêche procure de quoi vivre, l’extension de l’océan est une menace permanente pour les riverains. Les zones autrefois habitables, sont détruites par l’océan, une situation qui contraint la population à tout abandonner pour se trouver une terre d’accueil. « Au fil des années, l’eau avance et détruit nos maisons. Le gouvernement nous a cédé un abri, mais les habitants n’ont pas les moyens pour aller recommencer une autre vie ailleurs. En plus de ce problème, Debundscha ne dispose pas d’eau potable, de centre de santé, encore moins d’établissement d’enseignement secondaire », souligne Ewenga Bartholomero. Si les dispositions ne sont prises pour limiter la montée des eaux, ce village de pêcheur risque de se transformer un jour en une vaste étendue d’eau.
M.M.